GRANDE CONFERENCE DU 06 MARS 2015

Pannel

« Femme et littérature africaine » ! Tel est le thème qui fait l’objet de notre partage épistémologique en cet après-midi. Au moment de choisir ce thème, le Cercle Littéraire des Jeunes du Cameroun en abrégé CLIJEC, voulait mettre à nu quelques préoccupations relatives à la nature du rapport de la femme à la littérature, mais dans une circonscription purement africaine. A l’approche des festivités marquant la célébration de la journée mondiale de la femme, et mieux encore de « la féminité », le CLIJEC n’a pu que faire de son mieuxen mettant en évidence sa plume d’écrivain et par conséquent de littéraire. Et comme on a coutume de le dire, « la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a ».

La littérature peut être définie comme étant un ensemble d’œuvres écrites ou orales auxquelles on reconnait une valeur esthétique[1]. Elle est donc la transcription de la pensée en parole ou en écrit. Même si elle peut être de l’ordre du réel ou de l’imaginaire, elle s’inscrit dans un cadre spatio-temporel. Parler donc de littérature africaine reviendrai à mettre en exergue son déploiement dans le continent africain.Or l’Afrique se veut l’un des rares continents où l’image de la femme et sa dignité sont préservées. En d’autres termes, l’omniprésence de la femme dans la littérature africaine ou en Afrique, ne saurait être un hasard ou une pure coïncidence, mais au contraire une évidence, même si en matière de production littéraire, la gente masculine se voit beaucoup plus féconde que la féminine. C’est pourquoi selon Jacques Chevrier« peut-être est-il trop tôt pour parler d’écriture féminine »[2] en 1984.Mais le fait est là : dans la littérature africaine, la femme a réussi à se faire une place. Mais alors, qu’est ce qui caractérise fondamentalement cette présence de la femme dans cette littérature ?

D’un regard beaucoup plus subjectif, on note très souvent une idéalisation de la femme africaine par les écrivains africains. Si le corps féminin, dans la société traditionnelle africaine, est d’abord assigné à un rôle de procréation et à ce titre, régi par des normes sociales, est-ce à dire que cette présence féminine en littérature africaine n’est qu’une exaltation et une reconnaissance de la place de la femme du point de vue existentiel et même sapientiel ?Ce serait répondre avec Béatrice RangiraGallimore que « C’est à travers le corps de la femme que la société se perpétue. Ainsi ce corps doit être façonné, contrôlé et marqué »[3].

Mieux encore, la plus-value de certaines figures féminines africaines dans la littérature ne saurait être omise. Comme le souligne Marina Ondo[4], la présence des écrivaines africaines aujourd’hui soulèvent toujours autant de polémique. Autrement dit, la littérature féminine africaine est-elle une expression féministe rachetant le statut de marginalisation d’infériorisation et d’inégalité de la femme, ou alors est-elle un simple moyen de penser la femme dans ce qui caractérise son univers personnel, son rapport avec elle-même, et sa conception du monde ?

Telles sont les préoccupations auxquelles nous nous confrontons au moment de mener une réflexion sur la question de la femme et la littérature africaine. Tout homme étant naturellement porté à la connaissance comme le stipulait déjà Aristote, nous espérons assouvir notre petitesse intellectuelle à l’aune des interventions des différents panélistes du jour. Pour cela quatre (04) orientations ont choisi :

D’abord

Par la suite

Puis

Enfin



[1]Selon le dictionnaire Larousse 2009

[2] Jacques Chevrier, La littérature nègre, Armand Colin, 1984, 1999, 2003 pour la présente édition, pp. 157.

[3] Béatrice RangiraGallimore« De l’aliénation à la réappropriation du corps chez les romancières de l’Afrique noire francophone », « Nouvelles écritures féminines 1. La parole aux femmes » in Notre Librairie, n°117, avril-juin 1994, p.55.

[4]Marina Ondo,L’écriture féminine dans le roman francophone d’Afrique noire, In « La revue des ressources », samedi 7 novembre 2009.file:///I:/femme/et/litterature, consulté le 05/03/2015

Fogan toyem

SOUS THEME : L’IMAGE DE LA FEMME DANS LA LITTERATURE AFRICAINE

Lorsqu’on parle de littérature Africaine, on est tenté à ne se limiter rien que sur la littérature négro-africaine d’expression française. Sous cet angle on risquerait de falsifier et de modifier le visage et la chronologie de celle-ci, en excluant ceux qui ont d’une manière ou d’une autre contribué à l’expression de l’Afrique sous d’autres langues. En réalité, la littérature Africaine s’est subdivisée de manière ternaire frottée par une tradition orale qui s’est fortement imposé ; il y a eu entre autre la littérature Africaine écrite par les occidentaux en langues occidentales, la littérature Africaine écrite par les Africains en langues occidentales, la littérature Africaine écrite par les Africains en langues africaines. Mais que ce soit l’une ou l’autre de ces différents types de littérature, il faut savoir que la femme reste un personnage atypique, et son image est aussi diverse que les auteurs eux-mêmes. Par cet itinéraire parfois très lié à la langue de départ, qui est le français, on remarque parfois une sorte d’acculturation de certains écrivains africains ; la littérature Africaine représente parfois la réalité en fonction de la perception du  pays de la langue d’origine. Ce qui peut parfois aboutir à une représentation fantasmatique, due parfois à la difficulté rencontrée par l’écrivain africain, sur le plan lexical par exemple à traduire les concepts et les réalités typiquement africaines par lequel le français ne lui offre aucun matériau.

            En fonction de la société dans laquelle l’auteur se trouve, la réalité ressort toujours en fonction du regard du spécialiste, mais l’image de la femme a été présentée par les auteurs africains, ou plus précisément ceux de la littérature écrite sous forme d’un dénominateur commun. Le dénominateur commun est alors un ensemble de constellation lié au type de société et qui offre aux auteurs une certaine représentation de la femme. On peut donc se poser la question de savoir comment la femme est-elle présentée dans la littérature africaine ? L’image de la femme telle que présentée par les auteurs est- elle une description ou une construction ? L’œuvre littéraire étant un produit de la société, qui ressort une réalité, on se demande si cette réalité est une découverte ou une invention. Autrement dit, l’œuvre littéraire peut-elle refléter la réalité ou alors elle la construit ? Si cette image est construite, on dira que la construction est planifiée, intentionnelle et parfois même arbitraire si l’on se réfère à Siegfried Schmidt. La représentation de la réalité se construit selon les conditions concrètes biologiques, cognitives et socioculturelles, qui élaborent aux individus sociaux dans leur environnement social et naturel.

            Le but de cet exposé n’est pas d’étudier toutes les ouvres littéraires africaines d’expression française, ou encore tous les personnages féminins de la littérature africaine, mais présenter à travers certains ouvrages essentiels qui pourrons nous ressortir la femme dans diverses sociétés africaines-modernes et patriarcales- les héroïnes et leurs rapports avec les évènements du récit. Nous espérons démontrer cela à partir d’une analyse constructiviste, qui nous montrera comment une œuvre est d’abord une construction sociale avant d’être une peinture de la société dans laquelle l’auteur vit.

 

I-LITTERATURE ET CONSTRUCTION SOCIALE

Le lien entre la littérature et la société est aujourd’hui devenu incontestable. Mais ce lien peut parfois se heurter à la conception des genres. Ainsi que se soit la littérature féministe, souvent qualifié de littérature sexuée ou même de littérature sexiste, ou encore un autre type de littérature, les genres répondent le plus souvent à un système lié à la vie de l’auteur. Les genres sont des constructions sociales, ainsi comme l’affirme Simone de BAUVOIR, une figure du féminisme en France, « on ne naît pas femme ; on le devient ». À cette assertion, on se demande ce qu’on entend par construction sociale et comment elle procède. L’image de la femme est donc d’après BAUVOIR un résultat au lieu d’être une réalité figée.

            La représentation de la réalité se construit selon les conditions concrètes biologiques, cognitives et socioculturelles, qui élaborent aux individus sociaux dans leur environnement social et culturel. Pour rester dans le sillage de la littérature africaine on considère que les auteurs Africains-hors mis le sexe- présentent la femme en fonction des unités externes ou internes à ceux-ci et les structures sociales qui peuvent façonner leur regard lors de la construction de l’image de la femme dans leurs œuvres. L’œuvre littéraire peut donc être compris du point de vue constructiviste, comme instrument de la construction sociale, comme l’affirmait Stefan WEBBER en divisant le constructivisme. On ne va pas ignorer la touche du féminisme, qui a aussi marqué la littérature africaine et surtout postcoloniale. Ce mouvement, qui a envahit toutes les sphères littéraires du monde, a permit aux auteures de s’insurger contre la pensée traditionaliste. Malgré la présence de certaines Auteures de la Migritude, les représentations discursives des femmes, ou encore femmes africaines, dans les œuvres littéraires peuvent s’articuler autour des structures et les conditions de créations ainsi que les faits sociaux. À partir de ces éléments constitutifs et constructifs, on se demande comment les œuvres littéraires peuvent-elles contribuer à cette mise en scène de l’autre, soi la femme ? Mais si la femme est restée présenter comme l’autre, c’est peut être due au faite que la société dans laquelle elle vie, la longtemps exclue la sphère de décisions et des responsabilités, ce qui influence le pinceau des artistes. Nous tenterons à ressortir l’appréhension du statut de la femme dans la littérature Africaine à partir de quelques ouvrages. Mettre en exergue la construction de la réalité.

II- LA FEMME DANS LA LITTERATURE AFRICAINE A TRAVERS QUELQUES OUVRAGES

 

            Nous avons choisis ici deux ouvrages pour notre étude parce qu’ils illustrent la vie des femmes africaines dans différents types de société : les sociétés traditionnelles patriarcales et les sociétés moderne. Nous verrons que malgré l’univers dans lequel l’auteur met la femme, il présente toujours celle-ci sous une forme stéréotypée. Ainsi, le roman de Calixthe BEYALA, Les honneurs perdus et l’ouvre de Francis BEBEY, puisque ces deux nous ressortent la femme dans différents types de sociétés. La présence de plusieurs stéréotypes s’identifie à travers l’analyse de quelques personnages : le stéréotype de la Mère merveilleuse, celle qui accepte et sacrifie tout, celui de la fille urbaine qui vit dans une société moderne qui contraste souvent avec la prostituée et non pas celle éclairée après avoir embrassé la culture occidentale et moderne. On pourra donc retrouver dans Les honneurs perdus plusieurs images.

            L’histoire d’une jeune fille au nom de Saïda, seule fille d’une famille musulmane et vivant dans un bidonville de la ville de Douala, présente une sorte d’exclusion de la femme dans la société. Surtout dans une culture très patriarcale ou elle grandit, les hommes dirigent les familles et les affaires publiques. Ici, le fait de naître fille est comme une malédiction, car la femme étant réservée seulement aux taches ménagères et destinée au mariage. Mais la présence de Saïda dans une société moderne-Paris- transforme le mode de vie de celle-ci et elle devient une prostituée, puisqu’elle cherche entre temps un toit en vain et perd sa virginité qu’elle avait gardée pendant près de 50ans. Saïda présente l’image d’une femme qui n’a pas de valeur, dont le destin est scellé dès la naissance parce qu’elle vit dans une société musulmane et patriarcale où la préférence des fils est dominante et désavantageuse pour les filles ; les filles ne sont pas importantes parce qu’elles appartiennent au sexe féminin[1]. On a d’autres stéréotypes dans le roman comme : la mère de Saïda- une femme ratée parce qu’elle n’accouche pas de fils- d’une part, d’autre part les femmes serveuses dans les grands restaurants de la ville, prostituées, mais qui affichent une image dualiste : méprisables et admirées. Une fille intellectuelle (par la maîtrise de l’anglais), mais prostituée par son identité de laisser faire, résistant toutefois au patriarcat.[2]

 

            Du côté de Francis BEBEY, qu’on a tenté parfois d’appeler le romancier de la femme[3], le droit de la jeune fille d’aimer et de choisir librement son époux, son désir de sortir de la bassesse de son origine pour chercher des satisfactions matérielles dans un monde où le matérialisme devient de plus en plus grande valeur de l’existence, l’angoisse des vieilles mères vis-à-vis de l’inconduite de la jeune génération « écervelée », la jalousie, l’infidélité, la promiscuité constituent le fil qui tisse la vie des personnages féminins dans l’œuvre de BEBEY.

            Dans Le fils d’Agatha MOUDIO par exemple, la femme se retrouve parfois partagée entre 2 traditions ; ce qui fait d’elle un personnage ambivalent. Mais c’est la femme moderne que l’auteur voudrais peut être nous montrer avec l’image d’une femme infidèle, rejetée par toutes les belles-mères qui apprennent souvent que leur fils ont en projet de marier celle-ci. Mais le faite qu’Agatha n’a pas conçu la qualifie de stérile. En effet, si la mère de MBENDA s’est vivement opposée à la relation amoureuse entre son fils et Agatha ce n’est pas parce qu’elle traine une réputation de fille libre, mais parce qu’elle croit qu’elle est stérile ; Comme d’ailleurs on préfère une femme adultère qu’une femme stérile. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la relation entre Agatha et le chasseur Blanc aux « dents en Or » qui lui fait un enfant métis dont le roman porte son nom. Enfin il faut aussi voir la femme chez BEBEY comme une femme qui affiche envers la religion un caractère dévot. Tante Princesse dans La poupée d’Ashanti nous fournit un exemple des filles qui vont à l’église avec des intentions douteuses. Elle est la femme d’un polygame, M. TETEYA, mais vit « hors des murs » et fait la chasse aux hommes. Elle va à l’église, pas pour prier, ni écouter la bonne parole, elle y va pour repérer ses hommes. On dit qu’elle est une femme de l’extérieur, voire une hypocrite qui trompe l’homme et Dieu. Par ailleurs l’image de la femme est celle de la femme libre, hors du patriarcat, éclairée, mais une femme qui n’est pas différente d’un chiffon social.

 

            Tout compte fait, toutes ces représentations de la femme dans ces ouvrages susmentionnés ne nous ont pas éloignés de ces constellations constituant le dénominateur commun de ces auteurs Africains. Il en ressort que l’image de la femme est une construction sociale, plus encore une sorte fiction qui découle de la perception de la société par les auteurs. A la suite de notre analyse on peut dégager les images suivantes : une femme pleine d’angoisse, soumise, opprimée, prostituée, infidèle ; du côté des sociétés modernes. On a aussi une femme qui n’a pas de lettre dans la main, rejetée lorsqu’elle n’attend pas d’enfants, une erreur de la nature, car le pire c’est de naître fille voire même une créature de Satan, pour les femmes stérile ou qui n’accouche que des filles : conception liée à la pensée traditionaliste. Toutefois quelque soit l’image de la femme présentée par les auteurs on peut dire que la femme reste la médiatrice conflictuelle entre le nouveau et l’ancien.

« Une femme c’est comme un sentier. Quand tu t’y engages, il ne faut pas penser à ceux qui l’ont emprunté avant toi, ni à ceux qui pourraient y passer après toi ou encore en même temps que toi » 



[1] Conf. Annan-YAO, 2005, P.5

[2] Conf. Leslie OGUNDINE, 1987, P. 6

[3] Puisque celui-ci a essayé de ressortir la vie sentimentale de la femme comme un ressort dramatique

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