Vêpres des jours de doute

Vêpres des jours de doute   

Le recueil de poème Vêpres de jours de doute, est la dernière parole de l’écrivain camerounais Patrice Kayo. Il n’est pas de trop de rappeler que le poète a déjà atteint l’âge des angoisses existentielles. Mais quelles peuvent bien être les troubles d’un poète ? À quoi peut bien penser un homme qui comme Kayo, a déjà vécu toute l’existence ? Quelle aura été la couleur des saisons parmi lesquelles le poète aura marché. C’est à cet ensemble de questions que le recueil Vêpres de jours de doute, répond dans le présent ensemble s’offre une écriture sobre, belle, et pleine de toute cette angoisse que le poète fait bien de ventiler au fil des pages. On y découvre les couleurs fraiches, et les fleurs fanées par le temps qui dure, et que conte si bien un ancien, gardien des traditions, rempli d’expérience.


Depuis la couverture, le livre s’offre particulier : le mot « Vêpres » écrits sous fond noir foncé s’offre dans la surface scripturale, l’espace le plus important. Mais de quelles vêpres s’agit-il ? De ces chants qu’autres fois, le poète disait en chœurs au petit séminaire de Mélong avant de dormir? Ah ! Non. Il s’agit ici des vêpres des jours de doute. Doute que sait si bien renforcer ce mélange de couleur jaune, blanc, noir, gris et bleu que présente la face du livre. Ce tissu de « Ndop » qui pend majestueusement au fond de cette grande chefferie ancestrale, elle-même située en pleine forêt sacrée, suffit à planter le grand décor des jours de doute en pays Bamiléké. Un baobab est-il sur le point de tomber ? En tout cas, même si le vent souffle, seuls, les anciens savent s’il s’accompagne ou non de la pluie. C’est parti de cet atmosphère morose -puisqu’il faut le dire- qu’il convient d’interroger une écriture singulière, tintée de tristesse, comme on ne s’y attendrait pas.Patrice kayo


La mort c’est par ce thème même qu’il convient d’entrer dans le recueil Vêpres de jours de doutes, que nous offre l’auteur des Fêtes Tragiques, et de Déchirements. On pourrait penser que Kayo a vécu toute l’existence et que le reste de la vie consisterait à attendre paisiblement que le Messager de Dieu vienne. Ah non ! Pas question de songer au paradis alors que les jours continuent encore de s’égrainer sur la terre. Pas question non plus de penser comme ces philosophies et ces croyances selon quoi la nuit/lumière éternelle (mort) serait synonyme de repos. Elle- la mort- ne peut répondre pense le poète, ni aux vicissitudes de la terre où chaque jour est taxée salée, ni à cette beauté et cet acharnement que lui accordent les bohémiens. Autant mieux rester ici. Même s’il ne contient que vermine, supplie le poète dans « Prière pour vivre » donne lui Seigneur de moissonner dans ce monde difficile. Eloigne-le insiste-il, des mirages et des mensonges du paradis. Comme dirait un bon ‘’viveur’’, « ça se passe ici », et nul pas ailleurs.

Vêpres des jours de douteOr, cette conception trop terrestre de la vie ne reflète ni le grand chancelier des ordres traditionnelles, ni l’ancien séminariste. Car, ne le dit-on pas en Afrique, les morts ne sont pas morts ? La parole de Dieu ne dit-elle pas que la vie ne s’achève pas sur terre ? Qu’elle continue au ciel, et qu’au ciel et qu’elle y est plus vraie et éternelle ? Face à ces deux réalités de croyances, parties de deux destinations totalement divergentes –Afrique animiste, et Europe chrétienne- qui subitement et brusquement chutent au sujet de la « conséquence capitale », l’auteur de Vêpres de jours de doutes aura choisi l’option C.


Dans un entretien avec le poète sur la question, Kayo dont le nom veut dire en langue Ngohmalà « je n’ai pas vu »/ « je n’ai rien vu », me demandait comme pour justifier ses choix, ‘’ Pourquoi ceux qui sont morts depuis longtemps ne sont jamais revenus’’, ‘’s’il est vrai ajoutait-il que les gens meurent et vont au paradis, comment vivent-ils sans leurs corps, qui sont enterrés ici devant nous, dans leurs tombes ; car ceux qui sont morts il y’a des centaines d’années, on revoit aujourd’hui, au même endroit où ils ont été enterrés, leurs restes’’. Autant dire que tant que Kayo n’aura pas eu la certitude de ces philosophies qui proclament une autre vie à près la mort, il ne sera pas près à faire le voyage. Patrice kayo


On découvre aussi, au fil des lectures spirituelles de Vêpres de jours de doutes, les motifs de la liberté, et de la nostalgie, qui ressurgissent, et invitent à fouiller dans ce qui fait le bonheur de la vie de Kayo, et son attachement au terrestre. Et ça, il ne faut pas aller chercher trop loin. Le poète est un viveur, qui pendent longtemps a célébré la beauté du jour et de la femme. A retrouvé dans l e plaisir des belles et des mots, de quoi colorier l’existence en rose. Et puis, à propos de la mort, combien sont-ils qui se regardent dans un cercueil ? C’est toujours l’autre qu’on voit, avec sa belle cravate, et ses proches qui le portent pour l’enterrer. En tout cas, parler de la mort à l’âge de Kayo, dans un recueil de poèmes, c’est déjà résister, mieux ne pas mourir, ou plutôt, ne jamais mourir !
Vêpres de jours de doutes, est donc de recueil de poèmes avec lequel un homme clôture une saison de résistance et d’amour. Pour l’auteur, la mort vient comme ça vient.


Le texte est publié aux éditions CLE Yaoundé Cameroun, 2013, mais son actualité est déjà disponible au Cercle littéraire des jeunes du Cameroun.

 

 

Patrice kayo - clijec

 

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