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Oreille intérieure tome 2 du CLIJEC

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Préface de Jean-Claude Awono

De quel côté est tournée l’oreille ? Pour les seize jeunes poètes en éruption dans ce volume, c’est vers l’âme, vers cet abysse où la lumière et toute résonnance se transforment en créatures insaisissables et inconnues. Freud avait affirmé que dans la connaissance de l’âme, les poètes sont les maitres des psychanalystes et de tout le monde. La quarantaine de poèmes qui montrent ici leur face au soleil ne dédisent pas cette vérité fondamentale du sorcier des choses intérieures que fut cet homme de science parmi les plus célèbres de tous les temps. Nous voici donc à l’écoute d’une dizaine d’intériotés, les unes aussi profondes et complexes que les autres. Les mots leur ouvrent leur territoire et elles voltigent, autant qu’elles s’éclairent des ardeurs de la vérité et du beau.  Et on peut entendre le long battement du cœur, de l’âme et du sang d’une bande d’orpailleurs du silence et de l’indicible, seize au total, ai-je dit, dont trois sont des filles.

Car ce qui est indicible, le poème le dit, souvent avec allégresse, et quelque fois avec véhémence, mais toujours avec férocité, délinquance et pureté dégingandée. Je ne connais pas un seul être qui puisse résister à la musique de l’âme, ou celle du cœur, ou encore celle du sang. Car ces musiques forment toutes, le mouvement même des êtres et des choses.

Moi en tout cas j’y ai succombé depuis la genèse de cette énergie juvénile qui a pris corps sous la forme d’une publication il y a une bonne trentaine de mois. C’était en 2012. La plupart des auteurs de ce volume étaient élèves au lycée de Nkolbisson. J’étais leur professeur de Français. Il existait alors le CLERA, Club de Lecture, de Recherche et d’Art, créé sous la houlette du professeur encadreur de clubs que j’étais. Un appel à textes avait été lancé, suivi de quelques ateliers. Le résultat : Oreille intérieure (tome 1). Et voici le tome 2 ! Ce ne sont plus des élèves, mais des étudiants, des quêteurs de lucioles dans les frétillements de l’ombre. Le temps a fait son travail et les jeunes n’ont pas croisé les bras. Le CLERA est devenu le CLIJEC, et une dynamique, une vraie, s’est mise en marche qui articule ses multiples tentacules à travers les activités étonnement mûres que mène une association de jeunes écrivains aux dents longues. Mon devoir n’est donc pas seulement  de montrer les mots qui pointent ici leur face, mais aussi et surtout d’attirer l’attention sur une œuvre qui a pris corps dans la fulgurance de notre jeunesse inventive ; et de montrer les pas déjà marqués, qui ne manqueront pas de faire tâche d’huile. Nous avons hérité de l’APEC, entendue Association des Poètes et Ecrivains Camerounais née en 1960 des cendres de la colonisation, et nous passons le flambeau à la postérité. Le faisant, nous nous approprions une pensée de Patrice Kayo qui elle-même emprunte à un proverbe : le passage d’une génération à une autre a la fragilité et la délicatesse d’un œuf, il faut éviter qu’il ne se casse pendant le transfert du relai.

Il ne faut cependant pas penser qu’Oreille intérieure (tome 2) se confine à une écoute exclusive et passionnée de l’intériorité de chacun des jeunes pousses engagées dans l’aventure lyrique qui se déploie ici. Pour elles, la meilleure façon de toucher le monde et l’Autre, c’est d’aller au-delà de soi-même, mais en commençant d’abord par soi. La meilleure façon de toucher l’autre, c’est d’abord de se toucher soi-même. On ressent alors le monde dans sa totalité ou sa vacuité, dans sa grandeur ou sa hideur ; et dans sa dualité foncière ou aqueuse. « La Lobé (…) glisse parmi les jambes serrées des pierres » (Raoul Simplice Djimeli). La métaphore humaine donne ici à l’eau une énergie inattendue et belle. L’image est mûre, alléchante et le lecteur peut se lécher les babines et se toucher le ventre. Ulrich Talla Wamba, restant dans le sillage de l’eau, évoque une « tornade de désespoir » et une « généalogie échouée ».  Je cite ce dernier poète à dessein. Il s’agit pour moi de saluer en lui un bourgeon qui va, avec le groupe de jeunes qu’il pilote, pulvériser les hits parades de l’actualité littéraire africaine dans les années à venir. Je le dis sans ambages. Et parce qu’il en sera ainsi. La clijécisation de nos lettres est en marche !

 

Jean-Claude Awono

Yaoundé, Montée Parc national, juillet 2015.


Auteurs

 Philémon Abiankoe - Njipendji Daouda – Raoul Djimeli - Gildas Douanla - Armel Toyem - Nelson Kamkuimo - Sylvain Mekontchouo - Landry Ngassa - Collins Ngo - Doris Ngo - Corinne Nkomo - Serge Ondigui - Karolyn Payong - Babila Samuel - Ulrich Talla Wamba - Cyrille Yomi 

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