Fils de prélat d'Armand Claude Abanda - Note de Lecture

Par Le 07/03/2016

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Fils de prelat clijec plumencre info© CLIJEC 2016 - Première de couverture du livre "Fils de prélat"

Tout le plaisir est le mien ce matin de partager avec vous mon humble interprétation et compréhension d’une œuvre rentrant dans les rayons de la littérature contemporaine du Cameroun. Publié en 2005 à Yaoundé aux Éditions CLE, Fils de prélat est le produit de la plume d’un homme actif sur la scène publique camerounaise de nos jours, Armand Claude ABANDA pour ne pas le nommer. Elle nous présente aux antipodes un jeune garçon placé entre ce qui tient lieu de battants d’une porte et un homme en soutane placé devant une chapelle entourée de lumière, symbolisant certainement le caractère sacré du lieu. Le chemin tordu séparant les deux personnages serait donc la traduction de l’incompatibilité des deux vocations, qui, selon les dogmes catholiques, ne vont pas du tout ensembles. Du coup sans même ouvrir le livre encore moins se référer au résumé de la quatrième de couverture, le lecteur serait tenté de penser qu’il s’agirait d’une œuvre fictive traitant du délicat problème de la famille au sein de la vocation religieuse dans l’église catholique.

Fils de prélat est un roman divisé en cinq parties. Chaque partie porte un titre qui est la quintessence de ce qui est développé dans les lignes avenirs, ce qui facilite de plus en plus la compréhension de cette œuvre dont qui ne s’encombre pas d’un niveau langue peu courant. Le roman s’ouvre sur une préface et se referme sur une postface qui nous renseigne que Fils de prélat a été écrit en 1986 quand son auteur n’était qu’élève en classe de Terminale et curieusement publié dix-neuf ans plus tard.. Ce roman de 168 pages est un regard plus ou moins critique de la prélature catholique dont l’une des caractéristiques majeures est le renoncement à une vie de famille. La première de couverture parle d’elle-même. D’où le zèle de curiosité à l’endroit de ce sujet qui prête toujours à scandale.

Fils de prélat est une œuvre à caractère didactique, car elle se battit sur le récit que raconte un grand-père à son petit fils qui lui pose une question sur la conception de la paternité responsable des hommes d’églises catholiques. Le grand père choisit alors de ne point donner une réponse directe et plate, mais lui raconte une histoire. Ainsi l’on arrive à se dire que c’est une œuvre qui fait l’apologie de l’éducation des sociétés traditionnelles africaines où les ainés si vous voulez les anciens, à travers des contes, des anecdotes, des légendes, des expériences personnelles et autres, emmenaient les enfants à penser par eux même et à se forger leur propre opinion sur la vie et ses constituants.

Dans l’ensemble, l’œuvre nous présente l’histoire du parcours d’un brillant prélat, qui, à trente-huit ans, devient cardinal et qui un jour, pendant un procès où il est appelé à être témoin, se rend compte devant les yeux et les oreilles du monde qu’il est le père d’un garçon, celui-là même qui est assis sur le banc des accusés. En fait, Eric-Le bon Samaritain est le fruit d’une histoire d’amour entre deux collégiens en classe de Terminale. Et comme toujours dans de telles situations à ce stade de la vie, Juliana, la mère d’Eric, sous le poids de la peur, ne parvient pas à dire à son amoureux qu’elle porte en elle le résultat de leur idylle. Le mal sera consommé le jour où, avec l’aide de son ami Aicha, elle décide d’informer son petit ami et se rend compte que ce matin-là, la famille de ce-dernier avait déménagée en cascade pour Douala. Elle va donc donner naissance à un enfant qui jamais, dix-huit ans durant, sera privé de l’amour d’un père. Comme tout gamin bien évidemment, Eric va harceler sa maman nuit et jour sur l’identité de son géniteur. Coup du sort ou simple coïncidence, alors qu’Eric à treize ans, elle tombe sur l’annonce d’une campagne de santé à Yaoundé sous la promotion d’une congrégation de Sœurs avec pour représentante la sœur d’Eric Kamga, son amour de jeunesse. C’est cette dernière qui l’informera que son frère Eric s’appelle désormais Mon Seigneur Erico Kamga en sa qualité d’Evêque du diocèse de Ngaoundéré, le prélat n’a alors que trente-trois ans. Poussé par l’on saurait dire quoi, Juliana se rend à Ngaoundéré où le charme et la magie de la péripétie vont conduire à la rencontre inconsciente en pleine messe de l’Assomption d’un évêque et son fils. Juliana, en voyant le spectacle finit par s’évanouir et est conduite à l’hôpital où l’évêque sera plus que bouleversé lorsque l’identité de la personne tombée dans les vapes lors de sa célébration lui est révélée. Juliana quittera donc la ville en cascade en pleine nuit avec son fils, qui cinq ans plus tard, se rappellera de la scène et lui demandera des explications. C’est le déclenchement de la tournure finale de la narration qui nous conduira à Ngaoundéré, à Garoua où Erico Kamga officie en tant que Cardinal. En moins de deux jours, le fils de Juliana, qui s’est retrouvé avant son départ pour Ngaoundéré au mauvais endroit et au mauvais moment va être présenté par la police comme ennemi public numéro un parce que soupçonné d’être membre d’un gang qui sème la terreur. C’est cet incident qui débouchera au tribunal où le cardinal sera appelé à témoin.

D’autres thèmes comme le tribalisme viennent se greffer sur l’arbre de la narration et remettent sur la table des pratiques de favoritisme et de clientélisme au sein de notre société. L’auteur fait aussi une peinture assez négative sur les traitements inhumains subis par les présumés coupables dans les cellules de commissariat qui ne sont ni plus ni moins que des centres de torture.

La nomenclature des personnages est fortement entrée dans la tradition et la culture catholique dont l’auteur fait montre d’une grande connaissance. Le nom du fils de Juliana, Eric Le Bon Samaritain, est curieusement lié à celui de son géniteur, ce qui pourrait être interprété comme une sublimation et une fixation de son amour de jeunesse dans lesquelles Juliana s’est enfermée. La preuve ce sont les dix-huit ans qu’elle offre à son fils en s’occupant de lui et de lui seul sans jamais songer à se refaire une nouvelle santé amoureuse.

Fils de prélat est donc une réflexion sur la prélature, les amours de jeunesse et leur conséquence sur la vie d’adulte, les conditions de détention des présumés coupables dans les commissariats camerounais. Cette œuvre à la compréhension facile est si captivante qu’à l’ouverture de la première page, la seule envie est d’arriver à la page 168.

 

Landry Ngassa. Membre du CLIJEC