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APEC :: Interview exclusive avec Pabe Mongo, Président de l'APEC

Par Le 21/12/2016

Dans Actu magazine

Nous avons rencontré le nouveau Président élu de l’Association des Poètes et Ecrivains du Cameroun (APEC). Entretien exclusif.

Pabe mongo

#CLIJEC_leMag’ : Vous êtes écrivain, et vous venez d’être élu à la tête de l’APEC, cette association mythique qui a vu passer presque toutes les générations d’écrivains camerounais.   S’il fallait présenter l’APEC en quelques mots…

En quelques mots, je rappellerai tout simplement que l’Association Nationale des Poètes et des Ecrivains Camerounais (L’A.P.E.C)  a le même âge que l’Etat du Cameroun, puisqu’elle a été fondée le 23 janvier 1960 par un groupe des huit jeunes Camerounais épris de belles lettres : Louis-Marie POUKA, René Philombe, Ernest ALIMA, Vincent TSCHOUNGUI NGONO, Job NGANTCHOJEFF, Pierre ELOUNDOU, Rémy MEDOU-MVOMO et Ladislas ELOUNDOU.

Dès l’année suivante, à la faveur de la sollicitude extraordinaire dont la culture faisait l’objet de la part des pouvoirs publics, l’APEC est reconnue d’utilité publique par décision n° 2025/MF/CP2 du 30 janvier 1961, objet du récépissé de déclaration n° 491/INT/APA/2 du 9 février 1961.  

Pendant trente ans, l’APEC va fonctionner à l’unisson du pays, comme une véritable « République des Lettres » au sein de la République tout court.

Se sont succédés à la tête de la prestigieuse association, les confrères ci-dessous :

  • de 1960 à 1965 : Louis-Marie POUKA
  • de 1965 à 1969 : Vincent de Paul TSCHOUNGUI-NGONO, dit Tsino
  • de 1969 à 1981 : Patrice KAYO.
  • de 1981-1990 : Alexandre KUM’A NDUMBE III
  • En 1990 :    Georges TCHIANGA

L’âme de l’APEC, durant toute cette première ère, s’appelle René Philombe, le presque inamovible secrétaire général de l’association.

À l’orée de 1990, année où le Cameroun effectue dans la douleur sa mue démocratique et libérale, l’APEC sombre dans un état comateux qui s’est prolongé jusqu’en 2016 ; soi jusqu’à ce que le ministre Narcisse Mouelle Kombi, membre actif, talentueux et influent de l’APEC en sa jeunesse, décide de la sortir de cette léthargie dans le cadre du sauvetage culturel général qu’il a entrepris sous le concept d’ « ancrage culturel de l’émergence ».Cela s’est passé le 07 Novembre 2016, au centre culturel camerounais.

#CLIJEC_leMag’ : L’APEC tant annoncée par le Ministère des Arts et de la Cultures du Cameroun est donc enfin là. Ce qui n’est pas une finalité, Pabe Mongo !

C’est exact. Le relèvement de l’APEC de ses cendres n’est pas une fin en soi. Il ne s’agit pas d’une simple réanimation d’un vaporeux. L’APEC a été ressuscitée pour qu’elle continue à déverser sur le monde de la littérature et sur les gens de lettres son influence vivifiante, tonifiante, gratifiante et valorisante. C’est à cela que nous allons nous atteler.

#CLIJEC_leMag’ : Vous avez été chargé par le Ministre Mouelle Kombi de la relance de l’APEC, et vous avez travaillé — un peu dans l’ombre pour rassembler les écrivains Camerounais. Est-ce que Pabe Mongo a fait un diagnostic aujourd’hui de ce qu’est l’univers des écrivains Camerounais aujourd’hui ?

L’univers des écrivains camerounais aujourd’hui ? Trop de dichotomies, d’atomisation, d’étoiles et de constellations sans firmament ! Une illisibilité presque totale de notre production, par défaut d’institutions littéraires. Comptez, vous-même : deux immenses productions littéraires d’expression française et anglaise qui ne se perlent pas ; des productions dans d’autres langues occidentales ou dans les langues nationales que « personne » ne connait ; une littérature intérieure exsangue, terne, vautrée dans la débrouillardise, face à une légion étrangère extrêmement brillante, mais ballotée par les vents du globe : « Migriture, littérature francophone, Littérature monde, etc. »

Sans dialogue, toutes ces dynamiques ne sont que dispersion et errance ; mais sous dialogue, elles deviennent jaillissement et irradiation d’une source vitale.

#CLIJEC_leMag’ : Parlons de la communication, Président. Très difficile de rassembler les écrivains Camerounais à ce jour, alors qu’on pourrait croire avec les avancées technologiques que la chose va de soi. 

Comme toute avancée scientifique dans le passé, les avancées technologiques de l’information et de la communication ont leurs revers ou leur dangerosité. Je remarque, par exemple, que l’immense potentiel du talent littéraire camerounais est balkanisé dans les réseaux sociaux ! Les auteurs se connaissent par petits groupes d’affinité. D’où la difficulté de rassembler ces monades dans la nouvelle République des lettres dont je rêve !

#CLIJEC_leMag’ : Quel sera le premier combat de Pabe Mongo à la tête de l’APEC ?

Le premier combat se trouve tout naturellement dans ce rassemblement. Ceci est d’autant plus difficile que la plupart fonctionnent dans la virtualité et non en surface. Mais le tam-tam de l’APEC va retentir partout ! Je sais que c’est un appel attendu. La résurrection de l’APEC va entrainer la résurrection de toute la littérature camerounaise.

#CLIJEC_leMag’ : Quels seront les combats qui suivront ?

Une fois l’hallali sonné, les combats suivants porteront sur la lisibilité et la valorisation de notre littérature. Cela va passer par la systématisation des activités d’animation (cafés littéraires, dédicaces, tables rondes, colloques), les activités de valorisation (concours littéraires, prix, hommages, etc.) et les activités d’affichage.

#CLIJEC_leMag’ : Président, comment fonctionne l’Association des Poètes et Ecrivains du Cameroun dans les régions ?

Moins de deux semaines après l’Assemblée générale, j’ai déjà mis en place la représentation régionale de l’association. Les délégués régionaux et territoriaux de l’APEC ont pour rôle de répertorier et de sensibiliser les auteurs de la localité à l’existence de l’APEC, de promouvoir la vitalité locale, de relayer les programmes nationaux et de servir de correspondants au magazine : Le Cameroun littéraire.

#CLIJEC_leMag’ : Est-ce qu’on peut espérer revoir Le Cameroun Littéraire dans quelques temps ?

Je viens juste d’en parler ! Le Cameroun littéraire est le fleuron et la bannière de l’APEC ! A lui tout seul, il justifierait le réveil de l’APEC ! Au  cours de ses cinquante années antérieures l’APEC n’a pu produire qu’un seul numéro du Cameroun littéraire ! Nous avons l’ambition de sortir deux numéros au cours de l’année de convalescence et de passer à quatre parutions dès l’année suivante, étant entendu que nous allons publier parallèlement notre bulletin mensuel interne : Apec-Activities.

#CLIJEC_leMag’ : Nous avons aussi constaté, Monsieur le Président de l’APEC, que vous travaillez beaucoup avec les « jeunes loups de la plume », pour employer votre propre expression, serait-ce parce que les « vieux loups » du métier sont difficiles à dresser ?

Les pères loups sont déjà constitués, ils ont pignon sur rue et, de ce fait, n’ont pas besoin de moi. C’est la raison pour laquelle je concentre mes efforts sur les jeunes loups. J’ai placé mon mandat sur ce que j’appelle  la transition douce.

#CLIJEC_leMag’ : Quelles seront les tâches des jeunes dans la nouvelle APEC ?

Les jeunes loups doivent s’approprier le grand rêve de l’APEC, ils doivent moderniser l’APEC et la fructifier. Au moment où l’APEC se réveille, après un quart de siècle de dormance, le monde a totalement changé ! On est passé, entre autre, du règne livresque et analogique au règne de l’audiovisuel et du numérique : les homosapiens sont devenus des androïdes ! C’est dire que Le Cameroun littéraire ne peut plus se contenter de sa seule version papier, il doit générer son doublon numérique ou cybernétique sous forme de site web ; que nos romans, recueils de poésie et pièces de théâtre devront avoir leurs doublons numériques ; que l’APEC devra avoir ses foires et réseaux sociaux, etc. Voilà le principal rôle des jeunes loups, qu’ils devront assumer en même temps qu’ils assurent leurs propres productions. Un programme.

#CLIJEC_leMag’ : On sait, Pabe Mongo, que certains écrivains qui avaient dirigé l’APEC sont encore en vie, ou en activité ; nous pensons à Patrice Kayo, Kuma Ndoumbe III, Georges Tchianga, et autres. Comment comptez-vous travailler avec ces ressources ?

Mes deux derniers prédécesseurs à la tête de l’APEC, le prince Alexandre Kum A Ndumbe III et Georges Tchianga sont mes conseillers dans le nouveau bureau, et ils sont en même temps, conformément au règlement intérieur, membres d’honneur du comité directeur. J’entends par ailleurs mettre à contribution tous les anciens dirigeants et membres de l’APEC autour d’une monographie sur l’héritage de l’APEC. Il me semble qu’une telle publication est nécessaire pour la sauvegarde de notre mémoire.

#CLIJEC_leMag’ : Vous êtes président de l’APEC, et donc, président de tous les écrivains du Cameroun ! On a vu un bureau exécutif très francophone, comme cela souvent le cas, et on ne sent pas l’activité littéraire anglophone. Comment comptez-vous être le bon successeur de cette famille polygamique ?

Il y a actuellement deux anglophones dans notre bureau de dix membres, et deux anglophones comme délégués régionaux sur dix. Pour un scrutin uni nominal, qui s’est déroulé poste par poste, je trouve que la représentation est significative ! C’est plutôt le genre qui a été un peu raté : une seule dame, mais au prestigieux poste de Secrétaire Générale, qui en vaut trois ! Il s’agit de Mme Sophie Françoise Yap Libock, romancière prolixe.

#CLIJEC_leMag’ : Pabe Mongo, que devient l’UDEC ?

J’ai créé l’Union des Ecrivains Camerounais (UDEC) en 2007, avec le confrère John Nkemngong Nkengasong justement par nostalgie de l’APEC ! Nos objectifs d’instaurer le dialogue et les échanges entre les deux grands corpus de notre littérature sont les mêmes que ceux de l’APEC. Et l’assemblée générale de relance de l’APEC nous a fait justice en nous redonnant au sein de l’APEC, les places de Président et de Vice-président que nous avions à l’UDEC. Donc, en toute logique, nous pouvons estimer qu’avec l’APEC, nous avons un meilleur outil de réalisation de notre rêve qu’avec l’UDEC qui occupera sa juste place dans la longue marche historique de notre littérature.

#CLIJEC_leMag’ : L’APEC : Renaissance ?

APEC RENAISSANCE. Ce sera comme un APEC II ou Nouvel APEC, tant l’évolution sera grande.

#CLIJEC_leMag’ : Quel sera le défi de votre mandat ?

Le défi du mandat ? Ne point échouer ! Tel est le conseil-prescription que beaucoup de personnes bien intentionnées nous ont donné. Nous en avons fait un slogan. Apec-Renaissance : Nous n’avons pas le droit d’échouer ! Nous veillerons à ce qu’il en soit ainsi.

#CLIJEC_leMag’ : L’APEC est une association reconnue d’utilité publique, que veut cette précision ?

La reconnaissance d’utilité publique indique que l’Etat, garant du bien être national et des citoyens, reconnait, en cette association, un vecteur important de réalisation de ce bien-être. Les organismes jouissant de cette marque d’estime de l’état peuvent, semble–t-il, bénéficier des subventions publiques, organiser des quêtes, recevoir des dons et legs…

#CLIJEC_leMag’ : Quelles sont les activités quotidiennes de l’APEC ?

L’organigramme de l’APEC indique assez clairement les missions quotidiennes et programmatiques de l’association. Le bureau national assume des fonctions administratives, tandis que les secteurs opérationnels  conduisent des programmes précis. Parmi les secteurs opérationnels, il y ale magazine littéraire, le site web, l’animation (cafés, dédicaces, tables rondes, etc.), la promotion (concours, prix, etc.)…

#CLIJEC_leMag’ : L’annonce de la relance de l’APEC — et de l’Assemblée Générale — s’est faite publiquement au Centre Culturel Camerounais, lors d’une rencontre convoquée par un collectif qui compte « Relancer la SOCILADRA », le « Collectif Nouvelle Sociladra » justement. La SOCILADRA et l’APEC, quels rapports, Président ?

L’APEC et la SOCILADRA sont ombilicalement liés. L’APEC c’est la grande machine de production et de promotion des œuvres, tandis que la SOCILADRA  reçoit de nous une procuration universelle pour explorer et sécuriser les droits que génèrent nos œuvres afin de les tenir à notre disposition. Parmi les secteurs opérationnels dont je parlais tout à l’heure, il y a « les affaires juridiques » qui vont suivre d’un œil attentif, l’exécution de cette procuration. L’APEC œuvrera à faire en sorte que puissent siéger à la SOCILADRA ceux parmi les auteurs qui, de par leur notoriété et leur dévouement à la cause générale, sont le plus à même de défendre nos intérêts au sein du conseil de la SOCILADRA.

 #CLIJEC_leMag’ : « Mille raisons d’espérer ! » finalement, comme chantent les croyants. Merci beaucoup pour cette interview, nous vous souhaitons tout le succès à la tête de l’APEC.

Oui, mille raisons d’espérer : la première, provenant du renouveau culturel général, en cours ; la seconde venant des acteurs eux-mêmes, les jeunes loups si affamés ; la troisième, si j’ose dire, venant de l’engagement de mon équipe à graver une autographe d’honneur sur le marbre de l’APEC ! Il y a, pour cela, des projets phares et structurants que je n’ai pas évoqués ici et qui achèveront de convaincre les plus sceptiques.

 

Propos recueillis par: Raoul Djimeli. Cette interview est parue dans le quatorzième numéro du Magazine des littératures africaines "CLIJEC, le Mag'". Tous droits réservés.

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